Interview avec l'embouteilleur indépendant, The Roots

Tout d'abord, il faut savoir que The Roots a été le premier embouteilleur indépendant que nous avons contacté avant même de lancer 3spirits. Nous étions tellement impressionnés par leurs premières sorties que nous voulions travailler avec eux plus que jamais. Leurs embouteillages arrivent à allier à la fois la tradition et la modernité de l'industrie des spiritueux. Des whiskies comme un vieux Old Rhosdhu  des années 90 , un Glenrothes des années 80 et un Secret Highland (Tomatin) des années 70 sont des genres que vous ne pouviez que rêver de goûter, à moins d'avoir les poches très profondes ou de connaître un très bon ami qui aurait décidé d'ouvrir une bouteille pour une occasion spéciale. Des rums de Hampden et Foursquare, probablement parmi les distilleries les plus en vue du moment, et des cognacs des années 40 et 50. Tout cela avec des étiquettes magnifiquement conçues. Si seulement nous pouvions toutes les goûter...

Pour faire court, quelques coups de téléphone, des formulaires et des e-mails, des transports et des taxes plus tard, et les voici, enfin disponibles sur le marché suisse !!

Nous serons toujours reconnaissants à The Roots pour leur confiance, leur disponibilité, leur gentillesse et pour le fait qu'ils embouteillent sans aucun doute parmi les plus excitants spiritueux du moment !

-          The Roots, merci beaucoup pour votre temps. Tout d'abord, pouvez-vous nous parler de la création de The Roots ? Comment cela a-t-il commencé ?

En décembre 2020, ma petite amie ( alors âgée de 41 ans) est décédée d'un cancer de la peau. Dans des moments comme ça, vous commencez à penser un peu plus à certains aspects et vous avez une vision différente de certaines choses de la vie.

Depuis plusieurs années, je suis extrêmement passionné par le whisky et les spiritueux en général. Pendant longtemps, j'ai joué avec l'idée d'en faire quelque chose, mais il y avait ce proverbial « coup de pouce » nécessaire pour faire un tel pas.  Nous ne vivons qu'une fois et pourquoi ne pas opter pour votre passe-temps et votre passion ? Aussitôt dit, aussitôt fait... et 'The Roots' en tant qu'embouteilleur indépendant en Belgique est né.

Mais il faut que ça reste une passion donc ce n'est pas mon métier à plein temps.

-          Votre premier embouteillage était un Invergordon 1972, un whisky de grains. C'est plutôt osé. Pourquoi l'avez-vous choisi comme votre première sortie ?

Cela peut sembler cliché, mais vous ne pouvez faire une bonne première impression qu'une seule fois. Ainsi, la première sortie officielle en tant que nouvel embouteilleur indépendant devait être celle qui devait étonner tout le monde. Avec cela, je voulais aussi donner le ton pour les prochaines sorties et montrer clairement que The Roots n'était pas simplement un autre embouteilleur indépendant dans la liste. Peut-être que cela me caractérise aussi en tant que personne : « La peur d'être juste normal ! »

-          Vous embouteillez de jolis vieux spiritueux. Un Tomatin 1978, un Glenrothes 1985 et quelques cognacs des années 40 et 50. Comment avez-vous réussi à mettre la main sur des fûts aussi anciens ?

Actuellement, il n'est pas facile d'obtenir des spiritueux si vieux (ou n'importe quel spiritueux) à des prix acceptables. Par conséquent, il faut beaucoup d'efforts, de patience et un vaste réseau pour pouvoir acquérir de tels fûts.

Cependant, tout n'est pas facile car tout le monde recherche ces fûts et parfois on a l'impression d'être dans un match de boxe où l'on obtient plus de KO que de victoires.

-           Vos embouteillages sont tous brut de fût, non filtrés à froid et de couleur naturelle. Pourquoi avez-vous décidé cela ? Pensez-vous que les spiritueux embouteillés de cette façon sont les meilleurs possibles ?

Dans un monde où la quantité règne en maître, nous retournons aux sources. Jamais au grand jamais un compromis ne sera fait dans la recherche de la qualité. La satisfaction de mettre en bouteille un beau spiritueux est ce dont il s'agit ici.

Tout est soigneusement choisi avec beaucoup de passion et de dévouement. Nous optons également pour nos spiritueux dans leur forme la plus pure, comme la couleur naturelle, non filtrés à froid et de préférence embouteillés brut de fût.

Je compare toujours cela à une sortie au restaurant. J'attends du chef qu'il me serve ses plats en prenant soin de l'assaisonnement « parfait ».

C'est à moi de trouver le degré d'alcool parfait pour correspondre au fût que je sélectionne. Très souvent, la force du fût est idéale, cependant une légère dilution peu faire ressortir les saveurs encore plus.

Pour moi personnellement, un taux d'alcool compris entre 50 et 54 % est l’ idéal pour de nombreux spiritueux.

C'est pourquoi je trouve très important d'être très transparent sur les étiquettes et de donner au client final toutes les informations possibles dont il a besoin.

-          Votre Rhum Jamaïcain HD 2012 a reçu 91 points de la part de Serge Valentin sur WhiskyFun, votre Cognac La Cabanne Lot 50, un 9 sur 10 de la part de Thijs sur wordsofwhisky.com et votre Whisky Glenrothes 1985 a reçu une note de 90 sur 100 de la part de Ruben sur whiskynotes.be . Vous faites l’unanimité des experts. Êtes-vous le seul juge à décider de ce que vous embouteillez ou travaillez-vous avec une équipe aux palais redoutables ?

Je suis moi-même le seul « juge » lors de la dégustation des échantillons. L'essentiel est que je ne mettrais en bouteille que quelque chose dont je voudrais moi-même acheter une bouteille.

Bien sûr, de temps en temps, je laisse une connaissance goûter un échantillon de fût, mais à ce moment-là, mes choix sont déjà faits car il faut être rapide pour sélectionner les meilleurs fûts afin que personne d'autre ne les arrache directement sous votre nez.

-          Quelle est votre approche de la dégustation des spiritueux ? Qu'est-ce qui, pour vous, fait qu'un spiritueux a bon goût, qu'il s'agisse d'un whisky, d'un rhum ou d'un cognac ? Avez-vous une ligne directrice ?

Tout commence par le nez car c'est la toute première rencontre avec l'esprit. Si ce n'est pas le coup de foudre, il y a de fortes chances qu'il ne soit pas sélectionné. De plus, je suis toujours à la recherche d'un certain fruité (tropical) dans n'importe quel spiritueux. Si tout cela se met en place avec toutes les critères cochées, alors nous avons un prétendant possible pour une nouveau embouteillage.

-          On voit des Embouteilleurs Indépendants (Swell de Spirits, Grape of the Art...) embouteiller de l'Armagnac et du Calvados, Luca Gargano embouteille du Clairin depuis quelques temps déjà... Y a-t-il des distilleries ou un style particulier de spiritueux que vous n'avez pas encore mis en bouteille et que vous voudriez, pourriez, devriez ?

Très bonne question, mais je pense qu'il y en a trop pour les énumérer. Je me concentrerai spécifiquement sur 1 spiritueux en particulier, c'est-à-dire le whisky/whiskey dans ce cas.

Je suis moi-même un grand fan de Ben Nevis (avant que le sublime millésime 1996 soit mis en lumière) et de Bowmore. J'espère sortir un jour une pépite de ces distilleries, mais je suis aussi un fan de Glentauchers des années 90.

Je ne me limite pas non plus au single malt écossais, car le whisky irlandais de 1991 ou du début des années 2000 figure également en bonne place sur ma liste de souhaits.

-          Les étiquettes de vos bouteilles sont magnifiquement conçues. Elles sont lumineuses et féériques à la fois. Qui se cache derrière le design ? Et pouvez-vous nous en expliquer la signification ?

Super sympa à lire car beaucoup de travail est mis dans la conception des étiquettes.

Un bon ami, amateur de  whisky, est graphiste et il aide à créer les étiquettes.Je suis sûr qu'il a déjà pesté plusieurs fois parce que je ne suis pas facilement satisfait. Tout doit être parfait donc il a dû abattre un travail conséquent pour ce faire 😊Pour moi, chaque étiquette représente quelque chose de significatif avec le spiritueux en lui-même. Cela peut avoir un lien avec une sensation particulière que j'éprouve en sentant/goûtant le spiritueux. De plus, il peut également s'agir d'un bon indice ou d'un lien avec la distillerie et son caractère. Par exemple, si je n'ai pas le droit d'utiliser le nom de la distillerie et que je suis le seul à savoir de quoi il s'agit, je l'incorporerais toujours de manière à ce qu'il y ait un indice. Si je fais référence au Secret Highland 1978 où il y a des tomates sur l'étiquette, cela indique normalement de quelle distillerie (Tomat..) il s'agit, non ?

-          Dû aux petites quantités produites, The Roots est distribué chez quelques partenaires seulement. Comment décidez-vous qui a la chance d'avoir vos produits ?

Je suis toujours à la recherche d'une boutique exclusive dans une région/un pays qui respire les mêmes valeurs que The Roots veut défendre, c'est-à-dire la passion et la recherche constante de la qualité dans les produits livrés. Nous sommes également toujours à la recherche de personnes avec lesquelles il est agréable de faire affaire et qui aiment mettre un sourire sur le visage des clients.

-          Vous êtes sur le point de fêter votre deuxième anniversaire. Félicitations!! À quoi pouvons-nous nous attendre à l'avenir ?

Actuellement, il y a beaucoup de nouvelles références en préparation. À l'heure où nous parlons, il y a 3 nouvelles versions qui arrivent sur le marché, dont 2 whiskies d'Islay et 1 cognac Grande Champagne de 1953, en guise de célébration du deuxième anniversaire.

Nous avons également au programme un Armagnac extrêmement fruité qui sortira probablement à la fin de cette année.

Pour le 1er trimestre 2025, nous avons prévu 2 rums, à savoir une bombe de fruits tropicaux (pêche et mangue...) et une bombe d'ester.

Et très probablement quelque chose d'autre que j'ai mentionné plus tôt dans cet article....