Entretien exclusif avec Alexandre Vingtier. Il fait partie de ces esprits rares capables de penser le spiritueux à...
L’embouteillage indépendant : dernier rempart contre l’industrialisation des spiritueux (troisième partie)
XV. Distillerie classique vs embouteilleur indépendant : deux philosophies économiques et culturelles
Au-delà des définitions techniques, qu’est-ce qui distingue fondamentalement la philosophie d’un embouteilleur indépendant de celle d’une distillerie classique?
Au-delà des définitions classiques, ce qui distingue fondamentalement ces deux modèles, ce sont avant tout des différences culturelles, économiques et gustatives. J’en ai déjà parlé à travers plusieurs réponses, car tout est lié.
La distillerie classique, par essence, est une structure capitalistique. Elle subit une pression constante de ses actionnaires, de ses banques, et donc une obligation de résultat. À cela s’ajoute une autre pression, interne cette fois : celle des équipes. La finance, la direction, la production, le marketing, les équipes commerciales… tout doit s’aligner pour construire une gamme cohérente, pérenne, et économiquement viable.
Aujourd’hui, beaucoup de distilleries et de marques proposent aussi des cuvées limitées, des séries spéciales. On observe donc une forme de convergence avec certains embouteilleurs indépendants, qui, eux, travaillent exclusivement la série limitée, parfois même l’assemblage ponctuel. Mais la différence se situe dans le modus operandi.
Un embouteilleur indépendant qui ne fait que des séries limitées se rapproche davantage du monde du vin : on peut travailler avec le même domaine, mais chaque millésime est différent, chaque cuvée évolue. On est dans un modèle dynamique. À l’inverse, une marque s’inscrit généralement dans des gammes plus statiques, conçues pour durer dans le temps.
Cela dit, il existe aussi de petits producteurs qui ne travaillent que le millésime, avec des flux adaptés, sans gamme figée. De la même manière, certains embouteilleurs indépendants produisent de très grosses cuvées, tandis que certaines distilleries ne font que de petites séries. À ce niveau-là, les modèles peuvent se rejoindre.
La vraie rupture apparaît avec les grandes marques. Elles fonctionnent sur des planifications lourdes, avec des objectifs de volume à deux, cinq ou dix ans. Ce sont elles qui assurent la continuité des styles, la régularité des volumes, et qui, très concrètement, font vivre l’industrie. Les embouteilleurs indépendants — tout comme le single malt en général — restent minoritaires en volume dans le monde du whisky. En valeur, en revanche, leur poids devient significatif.
Mais surtout, leur rôle dépasse la simple question économique. En termes d’effervescence, de curiosité, d’expérimentation, et même de retombées culturelles, ils jouent un rôle central. Le phénomène de la dégustation, avec ce qu’il implique de plaisir, de partage, et oui, parfois d’élitisme assumé, attire énormément de monde.
Pour moi, c’est un écosystème essentiel. Il est sain que les marques alimentent les embouteilleurs indépendants, directement ou via des brokers. Les Écossais l’ont très bien compris et l’ont intégré dans leur modèle.
D’un côté, la marque propose ses cuvées classiques, rassurantes, destinées à ceux qui disent : « J’ai trouvé ma signature, je reste fidèle à ce produit. » Elle propose aussi des séries limitées pour introduire de la variation, sans sortir du cadre. Vous pouvez explorer des nuances chez moi, et si vous voulez aller plus loin, goûtez mon voisin.
Chez les embouteilleurs indépendants, en revanche, on ne sait jamais vraiment s’il y a un élastique quand on saute. Et c’est précisément cela qui compte. Tout le monde n’a pas les mêmes critères de qualité, ni la même tolérance aux degrés élevés ou aux profils extrêmes. Les embouteillages indépendants sont souvent à des degrés plus forts, sans additifs, mais ce n’est pas une fin en soi.
Ce qui devient fondamental, c’est le travail sur l’élevage : comprendre les barriques que l’on utilise, savoir comment les travailler, comment brasser une eau-de-vie, comment la faire évoluer. Cela reste le cœur du métier de maître de chai.
Certains embouteilleurs deviennent aussi de véritables éleveurs : ils sélectionnent des barils, mènent des élevages longs ou courts, travaillent l’assemblage avec une précision presque horlogère. C’est là que des profils comme le mien trouvent leur place : dans cette zone intermédiaire, où la minutie, l’expérience et la compréhension fine du liquide permettent de créer des choses qui n’entrent pas toujours dans les cadres industriels classiques.
XVI. Les sélections indépendantes face aux versions officielles : connivence, équilibre et dépassement
Les sélections d’embouteilleurs indépendants dépassent-elles toujours qualitativement les versions officielles?
Dire que les sélections d’embouteilleurs indépendants dépassent toujours qualitativement les versions officielles serait excessif. La réalité est plus nuancée.
Dans une distillerie ou une maison, il y a effectivement entre 30 et 50 % des barriques qui pourraient, techniquement, être embouteillées telles quelles. Mais le rôle d’une marque est avant tout d’assembler, de construire une cohérence, une continuité de style. À l’inverse, lorsqu’on travaille sur des sélections ponctuelles, on peut se permettre une autre stratégie : décider, par exemple, de confier une barrique d’exception à un embouteilleur indépendant, parce que cette petite cuvée fera plus de bruit, portera un message plus fort, ou racontera quelque chose de différent.
Les producteurs savent très bien ce qu’ils vendent, et à qui. Ils savent ce qu’ils cèdent aux brokers, aux embouteilleurs indépendants. Il y a parfois ce que certains appellent de la « connivence », mais c’est surtout une logique consciente et assumée. Cela ne signifie pas pour autant que l’embouteillage indépendant est systématiquement supérieur.
Je connais des marques qui sont extrêmement solides, très bien construites, et dont certaines versions officielles sont remarquables. À l’inverse, certaines sélections indépendantes n’atteignent pas toujours ce niveau. Elles apportent plutôt une pièce du puzzle, un élément du Lego. Et parfois, ce n’est pas cette pièce isolée qui est la plus intéressante, mais l’ensemble de la construction.
L’intérêt, pour moi, n’est donc pas de chercher à savoir si le produit est objectivement « meilleur ». Ce que j’attends d’un embouteillage indépendant, c’est autre chose : qu’il m’aide à mieux comprendre le produit, la distillerie, le chai, les bases de création. Qu’il m’offre une lecture différente, plus directe, plus brute parfois.
Et oui, il arrive que certaines barriques soient absolument géniales. Dans ces cas-là, il ne faut surtout pas les diluer dans un assemblage. Heureusement, ce type de révélation passe souvent par l’embouteillage indépendant.
XVII. Finitions exotiques et hybridations : explorer le goût sans perdre le sens
Les finitions dites “exotiques” et les hybridations entre catégories sont-elles, selon vous, un véritable terrain d’exploration du goût ou simplement un effet de mode?
Oui, les finitions exotiques font clairement partie de cette quête d’exploration du goût. Dès lors que de nouveaux types de barriques deviennent accessibles et permettent de créer des ponts entre catégories, entre cultures de consommation, entre univers aromatiques, cela ouvre des perspectives intéressantes. On y trouve une forme d’exotisme, de nouvelles notes, parfois inattendues, qui correspondent aussi aux tendances actuelles.
Mais au-delà de la tendance, la vraie question est celle de l’intention. Est-ce qu’on cherche simplement un effet, ou est-ce qu’on poursuit un objectif précis ? Se dire : si je veux atteindre telle note aromatique, alors il me faut telle barrique, c’est déjà une démarche beaucoup plus construite. Ce type de travail suppose une capacité d’expérimentation à grande échelle, une vraie compréhension des interactions entre le distillat, le bois et le temps.
Certaines distilleries ont poussé cet exercice très loin. Glenmorangie, par exemple, est probablement celle qui a exploré le plus grand nombre de types de fûts dans l’histoire du whisky. Lors de ma dernière visite, j’ai même pu goûter des essais en fûts de Bandol rouge. Cela montre qu’on peut aller très loin, à condition de savoir ce que l’on fait : quel whisky on sélectionne, à quel âge, avec quelles caractéristiques, pour ensuite le placer dans tel type de fût, pendant combien de temps. Tout commence par une question simple, mais fondamentale : quel est l’objectif ?
À l’origine, beaucoup de finitions étaient courtes, parfois très marketing. On était davantage dans un simple temps de contact, presque dans une logique d’extraction aromatique, parfois proche de l’additif. Cela permettait aussi de multiplier rapidement les références. Mais ce qui reste plus complexe, et encore relativement rare, c’est le travail sur le bois neuf : des bois spécifiques, issus de forêts précises, avec une vraie réflexion sur la chauffe, l’origine, la granulométrie.
On le voit chez certaines distilleries ou marques particulièrement en pointe — que ce soit chez HSE dans le rhum, à Taïwan, ou ailleurs — qui ont engagé un véritable partenariat avec les tonneliers, et non plus seulement avec des domaines viticoles ou des brokers de barriques. Ce type de démarche demande plus de temps, plus de moyens, plus d’échelle aussi. Et surtout, il faut accepter l’existence des ratés.
C’est là toute la difficulté, notamment pour l’embouteillage indépendant : un raté peut coûter très cher, parce qu’il n’y a pas forcément de débouché alternatif. Cette réalité économique explique aussi pourquoi ce type d’expérimentation penche plus naturellement du côté des marques ou des distilleries installées.
Cela dit, l’époque permet aujourd’hui des hybridations passionnantes : des finitions en fûts de shochu de patate douce, que j’adore, des essais de baijiu sur des whiskies comme Johnnie Walker… On est clairement dans une phase d’hybridation. Et si cette ère rend ce type d’expérimentation possible, je pense que c’est globalement bénéfique pour les catégories, et même au-delà.
Après, bien sûr, tout n’est pas souhaitable. Quand on voit, par exemple, des saucissons goût rhum-raisins au Salon de l’Agriculture… pourquoi pas. Je suis peut-être trop conservateur, mais ce n’est pas mon terrain. En revanche, dans les liquides, les interactions entre boissons fermentées, boissons distillées, distillats entre eux, puis distillats et différents types de bois, restent un champ d’exploration immense.
À condition de procéder avec méthode : des micro-essais, toujours. Observer, comprendre, ajuster. Explorer, oui — mais sans perdre le sens.

XVIII. Devenir embouteilleur indépendant aujourd’hui : trouver son modèle, sa niche et sa signature
Devenir embouteilleur indépendant est aujourd’hui très en vogue. Est-ce réellement pertinent d’un point de vue économique, et quels sont, selon vous, les points clés pour construire un modèle viable?
Oui, devenir embouteilleur indépendant aujourd’hui peut être pertinent, mais à une condition essentielle : trouver son modèle. Et ce modèle doit être cohérent avec le temps, les moyens et l’énergie dont on dispose.
La première question à se poser est celle de l’échelle. Est-ce que je cherche à aller rapidement à l’international, à travailler avec des importateurs dans plusieurs pays, à être présent dans de grandes villes ? Ou est-ce que je préfère m’appuyer sur un réseau national, voire local, en entrant dans des caves indépendantes qui proposent déjà quelques embouteillages, mais pas nécessairement ceux de mon pays ? Ce sont deux stratégies très différentes, avec des contraintes très différentes.
On peut aussi viser les meilleures caves à spiritueux, celles qui font référence. Mais là encore, c’est un autre niveau d’exigence : sur la sélection, sur le travail du liquide, sur la cohérence globale. Et surtout, il faut être conscient qu’il y a déjà beaucoup de monde. Il est donc indispensable de trouver sa niche économique.
Ensuite vient la question de la signature. Elle peut être graphique, visuelle, esthétique. Le spiritueux reste un produit visible. Quand on voyage en Asie, on voit des bars avec 3 000, 4 000, parfois 7 000 bouteilles. Dans ces contextes-là, certains embouteilleurs ont développé des univers très marqués : séries illustrées, références à la pop culture, collaborations artistiques. À Taïwan, on trouve même des séries construites autour d’icônes très spécifiques. Cela peut aller très loin.
Mais la signature ne peut pas être uniquement visuelle. Elle doit aussi — et surtout — s’exprimer dans le liquide. Quel est mon filtre de création ? Qu’est-ce que je veux raconter à travers mes embouteillages ? Par exemple, si je suis en Provence, je peux décider de ne travailler que des finitions en fûts issus de vins de Provence, ou de chercher des profils aromatiques qui évoquent ce territoire. Cette signature peut séduire localement, puis nationalement, et parfois même trouver un écho très fort à l’international, notamment en Asie, où l’imaginaire du terroir et de l’origine est très puissant.
Il faut donc trouver sa signature, mais aussi son audience. À qui je m’adresse ? Qu’est-ce que cette audience aime ? Est-ce que je réponds à une demande existante ou est-ce que je crée une audience autour de ma proposition ? Dans tous les cas, il faut identifier deux ou trois marqueurs forts qui définissent au moins une collection. Chaque collection peut évoluer, mais sans cette colonne vertébrale, on se perd vite — et le consommateur aussi.
Certains embouteilleurs ne jurent que par le sherry, les couleurs très soutenues, les âges élevés, avec un minimum de 15 ou 25 ans. D’autres, au contraire, travaillent des cuvées plus jeunes, plus accessibles en prix — ce qui ne veut pas dire moins qualitatives. Là encore, il n’y a pas de vérité unique, mais une position à trouver.
Peut-on tout faire ? Oui, si l’on a les moyens, le temps et l’énergie. Mais dans la réalité, une certaine rationalisation s’impose. Il faut souvent commencer modestement : une, deux, trois cuvées. Construire un planning. Travailler par séries. Petit à petit, cela peut devenir un véritable business de passion : cinq, dix, parfois vingt embouteillages par an. Mais il faut trouver son rythme de croisière.
Aujourd’hui, beaucoup d’embouteilleurs ont plusieurs activités. Certains ont une marque à côté, d’autres font de l’importation, des fûts privés, ou travaillent partiellement en dehors de l’industrie. Ils consacrent un certain nombre de jours par mois à cette activité, ce qui leur permet de la faire vivre de manière équilibrée — parfois même en combinant déplacements professionnels et cadres agréables.
C’est aussi ça, la réalité contemporaine de l’embouteillage indépendant : un équilibre entre passion, rigueur économique et qualité de vie.
XIX. Les embouteilleurs indépendants ont-ils un avenir à long terme ?
Les embouteilleurs indépendants existeront-ils encore dans vingt ans ? Et si oui, sous quelles formes et à quelles conditions?
Oui, les embouteilleurs indépendants existeront encore dans vingt ans. D’abord parce que, structurellement, le stock existe. Si l’on regarde les spiritueux bruns au sens large — whisky écossais, irlandais, mais aussi d’autres catégories vieillis — il y a toujours eu des cycles de production, avec des hauts, des bas, et parfois des surstocks. Ces stocks ne sont pas détenus uniquement par les marques ou les distilleries : les brokers en possèdent aussi. C’est une soupape du système.
Un broker aura toujours intérêt à trouver des débouchés, et les producteurs auront toujours besoin des brokers. Ce n’est pas un phénomène marginal, c’est une donnée économique intégrée. L’embouteillage indépendant représente un petit pourcentage, mais il joue un rôle additif dans l’écosystème.
On voit aussi apparaître des embouteilleurs soutenus par des fonds d’investissement, capables d’acheter des centaines, parfois des milliers de barriques. Certains en ont 500, d’autres 1 000, 5 000, voire 10 000 ou 20 000. Évidemment, ce ne sont pas les mêmes puissances économiques derrière. Dans ce contexte, le lien avec les distributeurs devient fondamental.
Le modèle a aussi évolué. Avant, on embouteillait un single cask et on le vendait dans cinq pays, avec 60 ou 80 bouteilles par marché. Aujourd’hui, il faut souvent raisonner autrement : un single cask par pays. Certains fûts plus confidentiels seront répartis sur deux ou trois marchés. C’est devenu une analyse fine de marché, basée sur les profils de consommateurs, les tendances, les habitudes locales. Il n’y a rien de pire qu’un produit qui prend la poussière sur une étagère.
Il vaut mieux des séries plus petites, avec une rotation rapide, que des volumes trop importants qui finissent par stagner. Quitte à ressortir l’autre moitié du fût un an plus tard. À l’inverse, certaines très grosses séries — des sherry butts donnant 600 ou 800 bouteilles — peuvent mettre du temps à s’écouler, même si, parfois, elles rencontrent un succès spectaculaire. Je me souviens de séries de Linkwood où une vingtaine de fûts ont été embouteillés en deux ou trois ans tant la qualité était au rendez-vous.
Donc oui, il y aura toujours des embouteilleurs indépendants. Et probablement même davantage, parce qu’il y aura des niches. Des niches de marché, des niches aromatiques, des niches culturelles. On verra de plus en plus de collaborations : des embouteilleurs positionnés sur des audiences différentes, des marchés différents, qui travaillent ensemble. C’est un modèle villageois, collaboratif. Un embouteilleur à Bordeaux peut travailler avec un bar à Taïwan via un partenaire local. Beaucoup de marchés restent encore peu exploités.
Il y a encore énormément de concepts à proposer, de signatures aromatiques à inventer. Et une chose est certaine : une fois que l’on a goûté à des produits plus bruts, moins lisses, moins maquillés, il est difficile de revenir en arrière.
Mais il faut aussi savoir garder de l’humilité. Quand on goûte en permanence les meilleurs fûts, les plus grands whiskies, on peut devenir snob — et même un peu aveugle. On croit avoir tout vu. Or, la dégustation, c’est d’abord une compréhension progressive. Parfois, un distillat que l’on n’aimait pas devient soudain limpide. Et là, c’est magique.
C’est peut-être aussi ça, le rôle de l’embouteilleur indépendant : proposer une autre voie d’éducation, un autre angle. Les marques font très bien ce travail avec leurs ambassadeurs et leurs équipes, mais l’embouteilleur a une liberté de ton différente.
Pour autant, cette liberté implique une responsabilité. Faire de l’embouteillage indépendant pour casser les prix, pour être moins cher que le producteur en vente directe, c’est dangereux. Ça casse le marché. Je l’ai vu notamment dans le mezcal. J’ai découvert des produits extraordinaires que j’ai refusé d’importer, par crainte d’un effet boule de neige : surexploitation de ressources rares, explosion des prix, disparition de ces spiritueux des marchés locaux, destruction de ressources qui mettent parfois 10 ou 15 ans à se renouveler.
La même logique vaut pour les spiritueux vieillis. Brader des très vieux produits, c’est décourager le vieillissement long. Or, stocker pendant 20, 30 ou 40 ans est un véritable sacerdoce, surtout pour les fermes ou les petits producteurs. Si la valorisation n’est pas au rendez-vous, pourquoi la génération suivante ferait-elle le même effort ?
Un spiritueux très âgé doit être traité comme tel. Pour moi, un bon spiritueux devrait valoir au minimum cinq à dix euros par année de vieillissement. Un 40 ans d’âge à 400 euros me semble cohérent. Bien sûr, il est heureux qu’il existe aussi des produits plus accessibles. Mais voir des spiritueux extrêmement âgés à moins de 100 euros, c’est rarement une bonne nouvelle pour l’ensemble de la filière.
Enfin, il faut aussi savoir valoriser les jeunes eaux-de-vie. Des spiritueux de 5, 7 ou 8 ans peuvent être absolument exceptionnels. Il existe différents niveaux de maturité, différentes expressions du temps. Tout n’est pas qu’une question d’âge.
L’avenir de l’embouteillage indépendant passera donc par un équilibre : respect de la chaîne de valeur, responsabilité sur les ressources, intelligence économique, et exigence qualitative. Si ces conditions sont réunies, il n’y a aucune raison pour que cela s’arrête.
Conclusion — 3Spirits
Cet entretien avec Alexandre Vingtier ne dresse pas un manifeste. Il trace une ligne.
Une ligne exigeante, parfois inconfortable, mais profondément nécessaire dans un monde des spiritueux trop souvent réduit à des degrés, des âges ou des effets de manche.
À travers ses réponses, une conviction se dégage : l’indépendance n’est ni un label marketing ni une posture romantique. C’est une responsabilité. Celle de comprendre avant de produire, de transmettre avant de vendre, d’élever le débat avant de flatter la tendance.
Chez 3Spirits, nous partageons cette vision. Défendre les embouteillages indépendants, ce n’est pas opposer les marges au centre, ni les artisans aux maisons historiques. C’est rappeler que le goût se construit dans le temps, que la valeur naît de la cohérence, et que l’émotion véritable ne se décrète pas — elle se mérite.
Si cet entretien invite à ralentir, à douter, à reconsidérer certaines certitudes, alors il a atteint son but.
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